Bravo Dinou,
Tu témoignes d'un esprit perspicace et pratique.
L'hiver, c'est l'aventure. Je fais un petit topo. Pour la vie d'ici, ça fait plutôt routine et sans doute pas la peine d'un récit. Pour les gens du plat pays, il y a là un peu de rêve (ou de cauchemar?).
Les quatre dernières années nous avons eu de la neige (en moyenne) de début novembre à début mars (parfois mi-octobre à fin mars). Ce n'est pas la haute montagne. Donc la couche ne dépasse généralement pas 50 cm (sauf congères).
Le coin où j'habite est protégé. Cela signifie : pas d'épandage de sel, sauf force majeure (le pur verglas peut s'avèrer mortel pour les voitures, comme pour les piétons). On a donc juste un tracteur qui passe pour dégager la neige ... quand il ne nous oublie pas.
Si on veut aller travailler, il faut donc d'abord déblayer la sortie du garage (50 m2 environ). Pour cela nous avons quatre pelles à neige, que nous manions gaiement en famille. A côté du chemin que nous traçons ainsi, nous produisons donc un tas de neige de la même surface qui fait entre un mètre et un mètre cinquante d'épaisseur en une saison (de temps en temps il y a heureusement quelques fontes). Ce travail est le plus souvent effectué entre 6 et 7 h du matin ou entre 10 et 11 h du soir (parfois les deux). Ca réveille et ça endort aux bons moments. Puis il faut sortir la voiture sur une couche de neige qui fait de quelques cm de neige durcie à une vingtaine de centimètres bien collants ou poudreux, suivant la fantaisie météorologique du moment. Il y a d'abord deux virages à 90° et une montée très raide de moins de 80 m pour arriver à la première bifurcation où la route redescend jusqu'à la départementale.
C'est ce premier bout qui est le plus dur. Il faut tout d'abord des pneus neige en parfait état pour que les roues mordent suffisamment la route pour arriver en haut. En général quand nous sommes à quatre dans la voiture, nous n'y arrivons pas. Stop, tout le monde descend à mi-chemin (ou 5 m avant la fin de la montée) et je repars en marche arrière en demi-glissades jusqu'au point de départ. Là je me tourne, j'ouvre le hayon arrière et je refais la montée en marche arrière. C'est ce qui va le mieux avec une traction avant (Renault Scénic). Arrivé en haut, j'embarque à nouveau la famille. Quand le tracteur n'est pas passé, je mets les chaînes. Ce petit chemin n'est pas innocent, car d'un côté de la route, il y a un ravin. Il ne faut donc pas déraper dans le mauvais sens.
Arrivé en haut, il faut entamer la descente. Suivant l'épaisseur de la neige et la qualité de la couche, ce sera fait avec ou sans les chaînes. Ici sur 500 m forte descente avec virages "traîtres" et ravin tantôt à gauche, tantôt à droite de la route. Vitesse moyenne de la descente : 10 - 15 km/heure. Interdiction absolue de freiner, de traiter le volant brutalement ou autres incartades. Le fossé guette.
Arrivé à la départementale, je peux enlever les chaînes. Le soir, rebelote dans l'autre sens.
Au début j'avais des chaînes conventionnelles. Ô le défi merveilleux de mettre des chaines, à quatre pattes dans une couche de 30 cm de neige dans l'obscurité, les doigts gelés de surcroît. Je les ai remplacées pas des chaînes "automatiques", qui marchent le plus souvent. Mais je ne peux pas me passer des vraies chaînes pour les moments difficiles. je les ai donc toujours avec moi en hiver. Les jours où c'est grave, mon coffre ressemble un peu à celui d'un ouvrier des travaux publics : pelle à neige, bottes, vêtement de protection, deux modèles de chaîne ...
Hors cette petite distance épique, le reste du trajet de 100 km qui me conduit à mon travail, c'est de la petite bière.
Alors, l'hiver serait-ce donc l'horreur?
Loin de là bien sûr. J'ai le bonheur d'habiter dans un petit coin de nature merveilleux (fin de route qui aboutit à la forêt - donc pas de passage; petite vallée en altitude entourée de forêts de sapins (donc l'air n'est pas trop pollué); vue superbe (presque imprenable, comme disait l'autre ... mais comme elle ne m'appartient pas, on ne peut pas me la prendre) . Calme assuré. Un seul voisin qui habite là et travaille ailleurs. Trois autres voisins vacanciers qui n'y sont que le week-end. Et comme je suis chez moi quatre jours par semaine, je peux profiter de cette situation exceptionnelle (je travaille à domicile part-time). C'est donc ici que je "monte" mes mares et que je viens de commencer mon jardin chinois (savoyard).
De plus, comme on parle de l'hiver, comment décrire, expliquer, faire comprendre la beauté indicible de ce pays sous une grosse couche de neige, la clarté cristalline de l'air quand il fait soleil et ciel bleu, ce silence en même temps feutré et tonitruant dans sa perfection absolue.
Ca vaut bien la peine de pelleter la neige, de se mettre à quatre pattes pour placer des chaînes, de s'offrir des ballades de 200 km aller-retour pour aller au travail.
Mais c'est évidemment une opinion qui n'engage que moi et les membres de la famille.
J'ai une copine qui habite à 1700 m dans le Valais. La montagne pure et dure. Une seule averse de neige peut faire 1 m. Et il faut pelleter cette masse tous les jours. Elle qui venait de Boulogne (sur mer) a tenu le coup pendant 17 ans. Puis, les enfants étant grands, elle a divorcé de son montagnard de mari qui était dur et taiseux comme sa montagne et elle est aller habiter dans la vallée. Cette montagne-là, elle ne la trouvait pas romantique. Mais ça, c'est un autre roman.
Zhangji
Si tu veux vivre un moment l'hiver en altitude, le mieux est de choisir un petit village pas trop haut, dans le Jura ou en Haute-Savoie, par exemple. Là où il y a une petite station de ski familiale aux environs (pas ces grosses usines touristiques en haute montagne). Tu pourras y faire des ballades en montagne à pied, en raquettes, en peau de phoque, éventuellement accompagné par un guide (la montagne, c'est plus dangereux qu'on ne pourrait s'imaginer, même quand on est entre 1000 et 1500 m). Il y a des itinéraires sécurisés, mais assez peu de monde. Pour le reste, petit hôtel ou séjour chez l'habitant. C'est pas très coûteux. On profite de la cuisine et des vins du coin. Et on fait une expérience authentique à l'échelle humaine. Tu pourrais par exemple jeter un coup d'oeil sur ce lien. C'est un gîte à 500 m de chez moi, installé récemment. Je trouve leur initiative très sympa (ce n'est pas de la pub ... juste un exemple que je connais et que je trouve sympa - j'y loge les amis qui viennent me visiter de temps en temps et il semble que cela fasse leur bonheur - celui de mes amis et sans doute de leurs hôtes).
http://logisdelamarmotte.free.fr/
http://patrick.loste.free.fr/